Michel DÉON a gentiment accepté la publication de cet entretien réalisé "par delà les mers" , entretien au cours duquel il évoqua, pour PRÉSENCE DE LA VARENDE, le souvenir qu'il a conservé de notre Hobereau alors que, jeune écrivain déjà reconnu, il entretint avec lui, dans le seconde partie des années 50, une relation amicale.

Nous devons à sa générosité l'autorisation de publier la lettre qu'il reçut de notre auteur en février 58 : Toute la relation, l'amitié mêlée de générosité et d'admiration et, selon le mot de La Varende, l'ATTENTION est transparente ici et fait dire aujourd'hui à Michel DÉON " qu'il était un homme ouvert et généreux".

PLV : Vous me parliez lors d'une récente rencontre d'une photo où l'on vous voit avec J.L.V. au Chamblac. L'avez vous retrouvée ?

M.D. Je n'ai pas retrouvé la photo de J.L.V. avec moi au Chamblac. Dommage : nous avions été pris en train de souffler dans les voiles d'un brick miniature au bord d'une mare proche du château. On ne m'a pas fait de tirage et l'article n'est jamais passé dans Match.

Si mon souvenir est bon, le photographe était Jack Garofalo. Quand, des années après, j'ai interrogé les archives du journal, on m'a dit que les héritiers de J.G. avaient tout emporté…

Je n'ai pas non plus souvenir d'une contribution de J.L.V. à un album sur Venise (lettre à M.D. reproduite ci dessus). A l "époque, j'étais conseiller des éditions SUN qui publiaient de superbes albums avec des préfaces, des textes courants et des légendes de photos signées par Morand, Chardonne, Haedens, Nimier, J.Laurent, Blondin ou moi…Il aurait pu contribuer à un album sur Versailles ou la Normandie mais dans une autre collection dont je ne m'occupais pas. Cinquante ans sont passés, les éditions SUN n'existent plus.

PLV : Vous souvenez vous comment et dans quelles circonstances, vous avez rencontré J.L.V. ?

M.D. : Je l'avais beaucoup lu et jamais rencontré. Un éditeur suisse, Erica Ritcher, cherchait à le joindre pour publier n'importe quoi de lui qu'elle admirait. Venue à Paris elle m'a demandé de la conduire au Chamblac, semblant assurée qu'il l'attendait. Nous sommes partis par un temps désastreux. L.V. n'était pas chez lui. Le gardien nous a donné l'adresse de la clinique où on venait de l'opérer à Paris. De retour à Paris par le même temps désastreux, nous sommes allés directement à la clinique. Déjà en convalescence, encore couché, mais il lisait, travaillait, ravi de ces visiteurs inconnus… Peu après, Erica Ritcher a vendu sa maison de Genève, son imprimerie et elle est partie s'installer en Argentine. Pas de suite.

PLV : Dans quel milieu évoluait J.L.V. ? Qui fréquentait il lorsque vous l'avez rencontré ?

M.D. : Je ne crois pas qu'il évoluait dans un "milieu". Pas sauvage, mais royal chez lui, dans sa gentilhommière, avec ses collections, ses peintures, son bureau où il travaillait hors du temps.

PLV : Comment vous apparaissait-il alors ?

M.D. : Je l'ai trouvé aussi heureux qu'un homme peut l'être, entouré des soins de Maria-Pia Chaintreuil, écrivant sans doute moins que par le passé (ses tiroirs étaient bourrés de nouvelles, d'ébauches historiques). Il ne construisait plus de maquettes, et, il me semble, peignait encore (fort bien). J'ignore quel incident n'a pas fait de lui un officier de marine. Peut être un échec à l'École navale, mais il n'a cessé de rêver à une carrière en mer.

PLV : Savez vous comment il faisait publier ses papiers dans les nombreux journaux et revues où nous trouvons aujourd'hui ses nouvelles et articles ? Comment l'avez vous introduit chez "Marie-Claire" ?

M.D. : J'ignore totalement s'il avait un "agent littéraire". Franchement, je ne le crois pas. On le sollicitait beaucoup. Notamment Charles Orengo, directeur littéraire de la Librairie Plon.

PLV : Le texte pierre de lune a été refusé par "Marie-Claire". La Varende évoque ce refus dans l'un de ses courriers. Vous souvenez vous de cette anecdote ?

M.D. : A "Match" et "Marie Claire", j'étais chargé de la fiction. Je lui ai demandé une nouvelle (nous en publiions quatre par mois). Celle qu'il m'a envoyé – je n'ai pas gardé le texte - à été refusée par M. H., personnage tout à fait nul qui n'aimait d'autres talents que le sien (fort médiocre) mais avait la confiance d'Hervé Mille (directeur de la rédaction) J.L.V. ne m'en a absolument pas voulu.

PLV : Que préférez-vous dans son œuvre ? Quel est le livre de lui que vous préférez ou que vous reliriez avec le plus de plaisir ?

M.D. : Dans son oeuvre, j'aime les romans (les plus courts), les nouvelles, les essais (Lettres à un jeune prince). C'était aussi un historien vibrant (Versailles, Guillaume le Bâtard, conquérant) et le meilleur lecteur de Saint Simon.

Livre préféré : Nez-de-cuir.

PLV : Tout l'amour du monde : que vous suggère le texte signé par J.L.V. et publié dans la revue   "La Table ronde" lors de la sortie de ce roman ?

M.D. : L'article de J.L.V. dans la revue   "La Table ronde" était un bonheur rare à une époque où la critique ne me gâtait pas. Je me souviens des mots "les affres médullaires" qui m'ont enchanté sans que j'en saisisse très bien le sens…Peu importe et comme c'était généreux !

PLV : Maria-Pia. Il vous en parle souvent dans ses lettres. Vous souvenez-vous d'elle et quelle place tenait elle dans la vie littéraire de J.L.V. ?

M.D. : Maria-Pia était son ange gardien, son amie, sa secrétaire, son dernier amour. Quand j'ai envoyé à J.L.V. mon roman Je ne veux jamais l'oublier , il m'a dit : "Quelle coïncidence! Quand je ne serai plus, Maria-Pia écrira ses souvenirs sous le titre  Jamais je ne t'oublierai… Peut on rêver compagne plus exquise qu'elle, donnant sa jeunesse sans arrière pensée à cet homme qu'elle admirait par-dessus tout. Après la mort de J.L.V. (je vivais alors au Portugal), j'ai rencontré deux ou trois fois Maria-Pia rue de Beaune à Paris où elle habitait seule, inconsolable, triste, digne, loin du Chamblac où elle avait passé les plus belles années de sa courte vie. J'ignore quels ont été ses rapports avec les héritiers et je souhaite qu'ils aient compris.

PLV : La Varende fait allusion dans une de ses lettres, à la rue Férou. Que vous rappelle ce souvenir commun ?

M.D. : A Paris, j'ai habité 20 ans au 4 de la rue Férou, près de la Place Saint Sulpice. C'était la rue d'Athos, dans un ancien hôtel particulier voisin du séminaire de Talleyrand, accoté à l'hôtel de Mme de La Fayette.

PLV : Quel est l'origine de ce "petit voltigeur d'empire" que vous conservez de lui ?

M.D. : C'est lui qui m'a donné, lors d'une visite au Chamblac, peu avant sa mort, ce petit voltigeur fabriqué de ses mains. Je l'ai toujours sur une étagère à côté de ma table de travail. Sous le socle, il est signé : "1948 – Règne de Charles X" et le sigle, un J et un M entrelacés. Il m'avait aussi donné une canne sculptée qu'on m'a volé.

PLV : Pouvez-vous nous conter ce souvenir du  mot "Bonneville" gravé dans le mur d'un prison aux Baléares ?

M.D. : Lors d'un séjour aux Baléares (décembre 1957), j'ai visité le Château prison de Bellver où avait été interné Arago, puis des soldats de Napoléon (de 1807à 1811).Nombre de ces prisonniers avaient gravé leurs noms dans la pierre de la forteresse. Entre beaucoup de signatures, j'ai trouvé par hasard : "Bonneville, du 5° de ligne italien 1810". Je l'ai aussitôt signalé à J.L.V.

…J'ajoute deux traits de lui qui montrent bien son caractère quand il se présenta à l'Académie :

Il fut choqué, lors de la visite de courtoisie, d'être reçu par un Jean Louis Vaudoyer couché. En fait, Vaudoyer était à demi paralysé et s'en cachait.

Le duc de Broglie ne vota pas pour lui : "et pourtant, me dit il, c'est mon suzerain".

                                                                       Propos recueillis en février 2002.

 

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